C’est alors qu’il marchait,une ! deux ! une ! deux !
Un vieil air militaire le rendant valeureux
Que le vieil homme sentit le sol se dérober
Et que, les pieds devant, il glissa dans l’étier.
En un instant il vit sous ses yeux défiler
Le film de sa vie pendant que l’eau glacée
Remontait lentement sur son corps apeuré.
Il revit les moments où il manifestait
Avec ceux qui voulaient d’une France épurée :
La collaborration avec le MARECHAL,
Les années difficiles avec PETAIN, LAVAL ….
La grande peur aussi à
la LIBERATION
Peur de se retrouver au ban de la nation.
Le silence ensuite pendant des décennies
Puis enfin cet espoir en entendant ravi
Que nombreux, à nouveau, sont ceux qui crient :
« Dehors les étrangers ! Retour dans vos pays ! »
Son vieux cœur bondissant s’en trouvait rajeuni.
Enfin tous les bronzés, les lippus, les crépus,
Les jaunes, les rouges enfin ne seront plus !…
C’est à l’instant où l’eau arrivait à sa gorge
Qu’il se mit à hurler comme porc qu’on égorge :
« AU SECOURS ! AU SECOURS ! Je suis dans le canal
A l’aide par pitié car le gouffre m’avale ! »
Une enfant qui passait, du nom de LATIFA,
Entendit cet appel précurseur de trépas.
Vite ! aux HLM, elle courut chercher
Et RACHID, et KAMEL, AHMED et LATICHE
Qui d’un bond, dans l’eau noire, sans un mot ont plongé
Ont tendu au vieillard la main de l’amitié
Pour lui rendre la vie, une vie pour aimer.
Lui, le pauvre, aveuglé par ses vieux préjugés
Se demande encore s’il aurait préféré
Rester au fond de l’eau, plutôt que réviser
Ses jugements anciens sur la haine fondés.
AIMONS ! AIMONS-NOUS LES UNS LES AUTRES !
Partageons les pains d’orge et les petits poissons
La terre alors d’enfer nous paraîtra tout autre
La terre libérée des funestes passions
Deviendra pour amis
LE PLUS GRAND PARADIS ! ! !