Ultime promenade
Le vieillard arrêta son incertaine marche
D’un mouchoir à carreaux extirpé de sa poche,
Il épongea son front en ôtant sa casquette.
Sur la pierre, tout près, les mots dansaient claquette
Mais son esprit savait ce qu’ils dissimulaient…
Ne plus le laisser seul, voilà ce qu’on disait…
Depuis dix mois déjà, elle l’avait quitté
Combien elle lui manquait ! C’était l’éternité !
Le jour était venu du déménagement
Demain il s’en irait dans un grand bâtiment
Où tout serait prévu pour sa sécurité,
Son confort, sa santé et sa tranquillité
Il s’assit lentement sur le petit muret,
Pour lui c’était le jour de son petit secret,
Jalousement caché aux religieux briquets
Aux curés, aux bigots et leurs ultra valets.
Sa jambe tiraillait, il lâcha avec peine
La longue protection de sa veine saphène.
Gonflée, démesurée, pelotonnée en vrille,
Là se trouvait l’issue au creux de cheville.
Un coup d’ongle suffit à entrouvrir la porte
Au flot libérateur qui menait à la morte.
Cet article a été posté le Dimanche 27 février 2011
Terreur de vieux paysans
« SURTOUT! Ne pas faire parler »
Telle avait été leur façon
De vivre, de se comporter.
Surtout ne pas donner de raison
Aux forts, aux puissants initiés
De venir fourrer leur nez
Dans leur manière de subsister.
z’avaient vraiment mal supporté
Au temps où ils avaient un bébé
Qu’une assistante sociale
Se ramène et tout déballe
Et dans la situation
Vérifie que les biberons
Avaient bouilli avant tétée,
Que les langes étaient bien lavés.
Ne voulaient pas être « assistés »..
Quand la Marie un jour sentit
Que son bras ne se levait plus
Que sa jambe semblait bouillie
Qu’elle ne parlait presque plus,
Malgré la peur qui la tordait
Elle ne voulait surtout pas
Du médecin qui l’enverrait
Dans un bicêtre et pis voilà.
L’André non plus point ne désirait
Ouvrir les yeux sur la question:
« De l’arthrose que c’était
Un avécé qu’est-ce que c’est donc? »
Si la Marie chaque pas tangue
Si les gens la voient éclopée
Il y aurait de bonnes langues
Pour dire qu’elle l’aura mérité,
Que le Bon Dieu l’aura punie
Et puis… Et puis… Et puis…
Allez savoir ce que feraient
Les abrutis de la mairie?
Ils pourraient bien, ils pourraient
Décider que c’est bien fini
Qu’il faut rentrer à l’hospice!
Alors, quels que soient les sacrifices,
Surtout que personne ne voie
Qu’elle ne peut plus suivre sa voie.
Et l’André, comme si rien n’était
Soigne les poules, range sa grange
Et va au bois pendant qu’elle dort.
La Marie voyant qu’il sort,
Veut préparer le déjeuner
Et s’étale sur le pavé
Sans réussir à se relever…
Au retour de son mari
C’est la grande discussion:
Surtout n’en rien dire aux amis
Ni aux jeunes pas question!
Ils placeraient ce téléphone
Qui devrait en cas de besoin:
Juste un bouton et pis ça sonne
Chez l’un des fils, s’il n’y est point
Chez le second et par défaut
Chez les pompiers ça point ne faut!
On saurait qu’il faut des soins
Ce serait vite à l’hôpital
Plutôt que partir si loin
Mieux vaut mourir, c’est moindre mal.
Cet article a été posté le Lundi 31 août 2015
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