Toute l’Olympe était en émoi
On s’agitait de partout à la fois
Les dieux, les demi-dieux et même les humains
Etaient invités pour le festin.
Car Erato s’était si bien évertuée
Que les vers que Thétis recevait de Pélée
L’avaient enflammée.
Clio, la muse de l’histoire
Avait ouvert le grand livre doré
Pour conserver dans les mémoires
Le souvenir de l’hyménée.
Cérès avait déposé une gerbe de blé
Aux pieds des jeunes mariés.
Calliope, muse de l’éloquence
Avait inspiré au président de séance
Ses plus belles envolées,
Afin que son discours
Enflamme les cœurs de la cour.
Leto, même un instant,
Dans la foule cachée,
Avait osé arrêter
Sa fuite devant le serpent ;
Et son fils Appolon
Faisait darder sur l’assemblée
Les plus chauds de ses rayons.
Minerve avait inspiré
Aux millions d’artistes
Dont elle tenait la liste
Les peintures les plus recommandées
Pour former le décor souhaité.
Jupiter siégeait à la place d’honneur.
A sa droite, on avait placé
En signe de respect et peut-être de peur
L’aveugle destin.
Les Corybanthes couraient
Gambadaient, s’agitaient,
Frappant sur des boucliers d’airain,
Comme les enfants turbulents
Qu’elles étaient en tous temps.
Des acteurs, inspirés par Thalie
Avaient, dans la soirée, joué la comédie.
Grâce au feu de Vulcain
On avait déjà rôti
30 000 bœufs venant de l’Erythie
De ces bœufs que Géryon avait contre son gré
Cédé au preux Hercule venu pour les chercher.
10 000 descendants du sanglier d’Erimanthe
Avaient aussi, en hurlant, donné leur chair succulente.
Bacchus, depuis le matin
Avait déjà versé
Sans jamais mesurer
Dans des coupes d’étain
Son nectar sacré.
Mercure prit sa flûte et se mit à jouer
Une marche nuptiale plus jamais égalée.
Euterpe et son orchestre lui prirent le relais
Pour enchanter les cœurs et jouer un ballet.
Terpsichore inspira aux millions d’invités
Les danses les plus esthétiques,
Même les plus osées
Les plus acrobatiques.
Echauffées par les sons
Et les divins breuvages,
Les Bacchanales entrèrent en action
Ce fut le remue-ménage.
On croyait voir partout
Le généreux Priape
Prêt à combler les trous
En divine soupape.
Toute l’assemblée haletait
S’agitait et miaulait
Dans des ébats féroces et cependant très doux.
Dans la confusion des mains et des genoux
Des jambes et des bras, des pertuis agacés,
Des phallus érigés, des langues affairées
Nul ne se souciait de ce que faisait l’autre
L’Orgie n’avait jamais eu de si bons apôtres.
C’est alors qu’elle surgit.
Elle, La Discorde, fille de la Nuit,
Le visage livide et les yeux pleins d’éclairs.
Ses cheveux étaient de serpents hérissés
Et sous ses haillons brillait le fer
D’un poignard à la lame acérée.
AH ! On l’avait chassée
Ah ! On l’avait oubliée
Ah ! Elle n’était pas invitée ! ! !
Alors, les dés étaient jetés !
Fille des Parques et de la Mort
Elle allait jeter un sort.
N’était-elle pas la mère
De famine et de misère ?
la Bataille de ses yeux de colère
Ne naissait-elle point ?
Le Mensonge et le Meurtre ses deux benjamins
Sauraient bien livrer pour l’affront de céans
Les plus horribles tourments….
Son visage livide
Contempla un moment
L’orgie qui sévissait…au plus crucial instant
Et d’un geste rapide
Elle lança
Au milieu des ébats
L’une des pommes d’or que le géant
Le géant Atlas au jardin de famille
Avait sans vergogne dérobées à ses filles
Pour permettre à Hercule d’accomplir son travail.
Sur la pomme Aie ! Aie ! Aie !
Etait l’inscription : « A la plus belle ! »
La fête prit alors une tournure nouvelle.
Toutes les invitées la voulurent pour elles.
« Cette pomme est à moi, déclara
D’un ton ferme la déesse Héra
L’épouse de Jupiter
Premier Dieu de l’univers
Est nul ne peut en douter
La plus belle déité.
Ah ! non! dit Athéna
Fille de Jupiter
Dussions-nous croiser le fer !
Si, beau est le pouvoir,
Bien plus beaux sont le savoir
La science et la sagesse ! ! !
Si la vraie beauté on doit récompenser
Qu’à moi elle échoit en vitesse :
Veuillez me la lancer !
Foin de vos jérémiades
Dit Vénus à son tour
La beauté fait battre la chamade
La beauté, c’est l’amour !
La plus belle c’est sûr
Est celle qui enflamme
Qui abat tous les murs
Qui, des hommes prend l’âme !
Convenons toutes trois de qui nous départage
Confions à Pâris cet heureux avantage
Pâris, le beau Pâris, hésita un moment
Il contempla les belles…enfin, se décidant,
Entre les deux genoux de la douce Vénus
Il vint déposer
La pomme convoitée.
Jugez dans quel courroux
Entrèrent les déesses évincées
C’est ainsi que Troie fut à la guerre livrée
Mais ne faut-il pas voir dans ce conte sacré
La preuve que l’amour
Au-delà des puissances
Des rois et de la cour
L’amour doit triompher?
Sortez couverts !