La cité était calme, le silence tombé, peu à peu, les lumières aux fenêtres éteintes. Les mobs étaient rentrées…même les ados, dans une dernière ovation avaient fait taire leurs percussions. De temps en temps, une clarté fugitive ici ou là suggérait le cauchemar d’un enfant ou la mort d’un vieillard. La cloche au loin avait sonné trois heures, et une ombre a glissé dans le froid sibérien, a poussé doucement la porte d’une cave. Oh ! bien vide, la cave ! A part un matelas, une bouteille vide pour servir d’oreiller…et là, recroquevillée, elle a fermé les yeux, pas trop longtemps, bien sûr car le vigile, dans une heure ou deux viendra hanter les lieux, il faudra déguerpir, s’en aller dans le gel et marcher ou mourir.
« Qu’est-ce que tu fous là ? Va-t-en ou je te fais embarquer ! »…Le vieillard avant l’âge se lève et se traîne dans la rue…mais voilà qu’il s’arrête au-dessus d’une grille où un relent d’air chaud entoure sa carcasse…Il s’assied un moment, ferme les yeux, s’endort. Son rêve est peuplé de visions de trésors. Il voit sur une carte un bateau et une île. Il voit un pavillon à la tête de mort. Il voit au fond d’un puits un coffre où tout rutile et le sentier secret pour trouver le trésor.
Un jeune écolier qui s’en allait en classe trouve le pauvre hère endormi sur la grille : son ballon l’a heurté et l’a fait émerger. Il s’approche un peu, avec crainte de l’homme, voit son visage bleu et ses yeux enfoncés. Sans un mot, il lui tend un morceau de choco que sa mère a glissé dans la poche du sac pour le revigorer à l’heure de la récré. Le vieillard regarde ce petit d’homme aussi pauvre que lui, mais qui sait partager . Pour lui, il est trop tard, ou encore un peu tôt. Alors, il demande à l’enfant un crayon. Avec ses doigts gelés, il dessine avec maladresse sur une page neuve d’un cahier de brouillon ce qu’il a vu en rêve. L’enfant aime les contes et bat un peu des mains, puis s’en va, emportant dans son petit cartable, le croquis qui soutient l’expression de l’histoire que l’inconnu lui a, pour le remercier, ce matin de décembre, simplement raconté…L’inconnu est parti, quelques heures plus tard, dans un petit camion noir à lisérés blancs.
Dans un coin de sa chambre, il a gardé, l’enfant, le petit dessin gris qui l’avait fait rêver…Demain, il s’en ira sur une goélette, un bateau de croisière, une barque peut-être, jusqu’à l’île secrète dont parlait l’inconnu. Il trouvera, c’est sûr, le chemin de ce puits où sont terrés, c’est sûr, des trésors inouïs.
Et l’enfant a grandi, il est devenu homme. Il doit, comme tous, au labeur quotidien payer son lourd tribut pour tirer au retour la manne qui permet d’étirer le séjour….Le rêve, pourtant, ce vieux rêve est là ! Il le tracasse encore : : il faut briser cela !
Alors, en ce soir où NOËL va tintant, l’enfant d’avant-hier s’embarque pour longtemps. Il va à l’aventure et son bateau conduit par une main cachée qui sublime l’espoir, l’entraîne vers un roc où serpente un sentier. La terre doucement crisse sous ses pieds. Un gouffre est bientôt là, tout au bout du sentier. L’homme-enfant sans effort se glisse jusqu’au fond, ouvre une cantine dont les flancs, il est sûr renferment le trésor du pauvre mendiant.
Il en tire un bijou qui a nom BONTE, un autre du nom de CHARITE, un troisième encore et qui a nom ESPOIR, et puis caché au fond, mais qui tient tout l’espace, il voit le plus modeste et qui a nom AMOUR.
Ces trésors qu’il pille aussitôt se reforment. Il revient à la barque pour en charger l’esquif. Et il s’en va partout pour les distribuer.
FERMEZ, voyons, FERMEZ VOS YEUX pour un instant, vous sentirez peut-être au fond de votre cœur chacun de ces trésors sans bruit y prendre place. Plus l’on sait les donner, plus ces trésors fleurissent.
Allez donc et semez au gré de l’aventure la graine de l’AMOUR, de BONTE et d’ESPOIR !
Cet article a été posté le Mercredi 20 avril 2011