Le lever des corbeaux les trouvait en chemin
Déjà bien engagés dans les gorges d’Engins
Ils marchaient d’un pas lourd qui défie le destin
Ils allaient « tout ensein » en foire à GONCELIN
Ils avaient, dans leur sac, un fromage de chèvre
Dont le seul contact vous réjouit les lèvres,
Un morceau de pain gris, déjà un peu rassis,
Et un morceau de lard que leur femme avait mis.
Et puis sur le côté, un bidon de piquette :
Dans le chaud de l’été ça met le cœur en fête.
Ils entraînaient chacun au bout d’un petit lien
Une « bauille*» bien grasse mordillée par un chien * génisse
Deux vaches au joug liées avec un tombereau
Où dormaient dans la paille un ou deux petits veaux,
Un taureau, l’œil furieux, mais doux comme un agneau
Tous des Villard de Lans, mon Dieu qu’ils étaient beaux !
Au creux de Sassenage, ils se plantaient un peu
Laissaient là le voyage pour explorer les cieux
Où le soleil levant qui dorait la montagne
Les remettait en route comme dard qui arragne*. *irrite
D’autres les rejoignaient, venant de Noyarey
De Montaud, ils venaient en passant par Veurey
On entendait parler tout le long du chemin
Les patois en vigueur dans tous les patelins.
Ils marchaient à grands pas sous le soleil naissant
Le dos un peu courbé et le front ruisselant
La fatigue aidant, ils étaient peu causants
Et marchaient dans la plaine bien douloureusement.
Enfin, ils arrivaient devant le grand foirail
Ils recherchaient des yeux une place qui aille
Afin que leurs bovins se trouvent avantagés
Par quelque trompe-l’œil ici ou là placé.
Et ainsi en négoce se passait la journée
A vendre, échanger, marchander, finauder.
Et puis venait le soir, il fallait retourner.
On s’ébrouait un peu, les achats rassemblés
Et puis les jambes lourdes et le cœur serré
On quittait lentement la place du marché…
Et marcher il fallait et il fallait encore
Marcher toute la nuit, arriver à l’aurore
Et la tête remplie de la fête de vente
Reprendre le travail en fauchant dans les pentes
Avant, le soir venu, de trouver l’oreiller.
Et pendant des semaines dans le cours des veillées
On se racontera des histoires entendues
Les bêtes convoitées et les bêtes vendues
Le charlatan dressé et son long boniment
La fête à écouter pouvait durer un an !
Cet article a été posté le Mardi 26 avril 2011
Un monde qui m’est inconnu et que je suis avec
plaisir sur ce chemin de plaine où le retour sera si lourd.
Ah, il est fini le temps des fêtes à écouter un an durant Dommage ?
Tant qu’on le racontera, il ne sera pas tout à fait fini…