Paix à sa vie!
ANNETTE avait six ans. L’école n’était pas sa « tasse de thé », aussi lui arrivait-il souvent de créer des incidents.
MARIUS avait cinquante ans, il était son instituteur : trente deux ans de bons et loyaux services dans l’EDUCATION NATIONALE et trente et une « nichées » de petits à qui il avait appris à lire.
OLIVIER était le père d’ANNETTE. Il avait été formé à la bonne école des policiers de
la REPUBLIQUE.
Ce jour-là, ANNETTE en avait assez de ce livre de lecture dont les lettres dansaient devant ses yeux. Elle en avait assez de ce maître qui la punissait quand elle ne suivait pas la lecture de ses camarades : c’était si bon de bricoler dans sa trousse, ou de faire chanter sa « vache » ! Alors, bien entendu, MARIUS a interrogé ANNETTE qui a sursauté…et pour cause !
« Va au coin !–NON !–Va au coin : quand on ne suit pas la lecture, on va au coin.
–M’en fous de ta lecture ! » Et la gamine capricieuse se saisit du livre de torture et le jette à la volée au visage de l’instituteur.
MARIUS, malgré son âge, ou peut-être à cause de celui-ci, n’avait aucune envie de tolérer de tels manquements, aussi, de quelques claques bien senties sur le derrière de la demoiselle, il manifesta sa propre humeur.
L’œil violent, la gamine s’affala dans le coin de la classe. Le soir venu, au souper familial, la fillette déclara posément qu’elle ne voulait pas retourner à l’école parce que son maître lui avait tapé sur les fesses.
OLIVIER, habitué à la délinquance côtoyée en permanence demanda : « Pourquoi ?
–Pour rien, comme ça ! »
Il bondit : on avait osé toucher à sa fille. TOUCHER A SES FESSES ! ! Cet homme était sans doute un de ces malades dont la télévision avait parlé la veille , dont la nouvelle ministre de la famille demandait l’éradication!
D’un bond, il fut en uniforme. A dix heures, le coupable interpelé par ses soins était placé en garde à vue pour abus sexuel sur une enfant.
A cinquante ans, quand on est MAITRE D’ECOLE, on en a vu d’autres.Trop d’autres !…On sait qu’une accusation de ce genre est de celles qui détruisent une vie de labeur bien remplie, une vie d’homme sans faille à l’honneur.
Ayant compris qu’on ne l’entendrait pas, qu’il était condamné avant d’avoir été entendu, par ces gens qui, il en était sûr, maintenant, avaient perdu toute mesure à cause de la pression exercée sur eux en cette période de terrorisme…. ……………..MARIUS SE TUT…
Il ne dit rien quand son cœur se serra soudain. Il ne dit rien quand la douleur irradia son bras.Il ne dit rien quand sa vue se troubla. Il ne dit rien quand exaspéré par son mutisme, « on » lui projeta au travers du visage des serviettes mouillées. Il ne dit rien…
Une petite musique sonnait à ses oreilles. Il voyait une lumière au fond d’un long tunnel. Il se voyait planer au niveau du plafond. Il voyait des ombres s’agiter, s’acharner à le secouer : AVOUE ! AVOUE !..Il ne sentait plus rien…
Il aperçut au travers d’un mur une voiture à gyrophare bleu venue pour l’emporter. Il fut très mécontent de retrouver un instant la dépouille qu’il venait d’abandonner…Aux « SOINS INTENSIFS», rien ne put le convaincre de réintégrer le corps quitté…. Il est mort, MARIUS, mort et enterré.
OLIVIER à l’abri de son vaste képi répète : « J’ai fait ce que je devais faire »
ANNETTE, cependant, sait, et saura toute sa vie, qu’elle a un jour d’octobre, déclenché l’appareil d’où a surgi mort d’homme.
PAIX A SA VIE ! ! !
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