LA MALADIE DU CHARMANT SOM
Un jour, le CHARMANT SOM se trouva très malade : sur ses flancs,les arbres dépérissaient, courbaient lamentablement la tête, les plantes avaient contracté un ictère qu’aucune rosée, aucune pluie n’arrivait à guérir…
Son frère, le GRAND SOM ressentait la plus vive inquiétude. Il fit publier dans toute la région un avis promettant à quiconque pourrait sauver son frère, autant d’or qu’’il pourrait en emporter. Un paysan proposa d’épandre du lisier. Le remède fut pire que le mal: les sources furent polluées, mais le CHARMANT SOM était toujours malade. Un bûcheron déclara qu’il fallait couper un arbre sur deux pour soulager la montagne. Le remède fut pire que le mal : il créa des couloirs d’avalanches et la neige dévasta tout sur son passage…Le CHARMANT SOM souffrait toujours.
Un brillant expert des EAUX ET FORETS vint examiner le malade. Il fit au ministre un rapport de trois cent mille pages qui concluait qu’il n’y comprenait rien….et le CHARMANT SOM dépérissait toujours.Un savant érudit éplucha des millions de tonnes d’archives pour trouver des cas similaires et le remède que les anciens y avaient apporté, mais il ne trouva rien…et le CHARMANT SOM était toujours plus malade…Un docte ingénieur en agronomie se présenta. Il fit des milliards d’analyses sur des prélèvements…mais ne décela aucune anomalie. Les savants du monde entier se passionnèrent sur ce cas.Ils établirent des millions d’hypothèses…mais toutes, à l’examen, se révélèrent à rejeter :le CHARMANT SOM était en dépression et rien ne pouvait égayer sa langueur.
C’EST ALORS QUE SURVINT LE SORCIER AMEDEE.
Il savait, et lui seul, parler aux arbres, aux sources et aux rocs. Il les interrogea. Il apprit ainsi que le seul remède approprié se trouvait au PAYS DES LEGENDES. La fée RADIEUSE le détenait. Mais, AMEDEE avait de vieilles jambes et le pays des légendes était loin, trop loin pour lui. Il appela donc le preux lutin ALAIN, qui, de temps à autre, se chargeait de ses courses.
» Va, lui dit-il, au PAYS DES LEGENDES. Tu trouveras la fée RADIEUSE qui, seule, peut rapporter le sourire au malade. Prends avec toi le livre des secrets. Si tu rencontres un obstacle sur ta route, pose-le sous ta tête avant de t’endormir. Au matin, ouvre-le : il te donnera le moyen de le surmonter. «
ALAIN s’en alla droit devant. Il marcha un jour, deux jours, une semaine. Il traversa des landes, des rivières, des forêts, des jachères. Il se trouva un soir devant une mare autour de laquelle des poules caquetaient. Dès qu’elles l’aperçurent, elles se mirent à crier :
» Où vas-tu, lutin ALAIN ?
–Je vais au PAYS DES LEGENDES , chercher la fée RADIEUSE pour guérir le CHARMANT SOM.
–Au pays des légendes ! Bougre d’idiot ! Ce pays ne peut pas exister ! Les légendes sont des fadaises inventées pour abuser les esprits demeurés…QUOI ! perdre ton temps au lieu de travailler ! D’un coup d’aile, elles l’entourèrent…si tu veux passer, va chercher le sac de blé tombé au fond de cette mare…sinon !…Et leurs becs se mirent à siffler.
–La nuit va tomber, charmantes pécores, attendez à demain, je vous le trouverai. «
Et sans un mot de plus, ALAIN se coucha, le livre des secrets sous la tête. Au matin, le livre s’ouvrit de lui-même : » Pour vider une mare, appeler un castor. « ALAIN tourna la tête, un castor passait par là .
» Castor, veux-tu m’aider à vider cette mare pour sortir le sac de blé qui y est tombé, afin que les poules me laissent passer ?
–Où vas-tu, lutin ALAIN ?
–Je vais au PAYS DES LEGENDES, chercher la fée RADIEUSE, pour guérir le CHARMANT SOM…mais les poules refusent de me laisser passer si je ne sors pas le sac de blé qui gît au fond de la mare. Peux-tu m’aider à la vider ? «
Le castor était serviable comme tous les travailleurs du bâtiment. En quelques coups de dents , il coupa l’arbre qui formait barrage et l’eau s’écoula, laissant apparaître le sac de blé. Les poules se jetèrent sur le grain. Alain, qui était poli, remercia le castor et fila droit devant. Il marcha un jour, deux jours, une semaine. Il traversa des landes des rivières, des forêts, des jachères. Il arriva devant une clairière où des corbeaux tenaient conseil.
» Où vas-tu lutin ALAIN ?
–Je vais au PAYS DES LEGENDES, chercher la fée RADIEUSE pour guérir le CHARMANT SOM.
–Au PAYS DES LEGGENDES ! bougre d’idiot ! Ce pays ne peut pas exister ! Les légendes sont le récit de la vie de nos martyrs, de nos saints et de nos bienheureux pour édifier les êtres pieux….(en un instant ils l’entourèrent) …Croa ! Croa ! Croa ! Croa ! Quel est le mot de passe ? Ici qui nous découvre est ami ou trépasse !
–Souffrez, messieurs, que je dorme un moment. A mon réveil, c’est bien promis, votre mot, vous l’aurez pour me laisser passer. «
Et ALAIN se coucha, le livre sous la tête…Au réveil, il l’ouvrit : » Je crois, tu crois, il croit » lut-il sur la page. Les corbeaux aussitôt se mirent à prier et le lutin ALAIN s’en alla droit devant….Il marcha un jour, deux jours, une semaine, traversa des landes, des rivières, des forêts, des jachères. Il arriva un soir au milieu d’un jardin. Des taupes militaires étaient en manoeuvre.
» Où vas-tu, lutin ALAIN ?
–Je vais au PAYS DES LEGENDES chercher la fée RADIEUSE, pour guérir le CHARMANT SOM.
–Au PAYS DES LEGENDES ! Bougre d’idiot ! Ce pays ne peut pas exister ! Les légendes sont des histoires de vieux soldats vantards que le peuple ignorant a répétées en les déformant …(d’un bond, elles l’encerclèrent)…Pour un espion, tu es bien téméraire ! «
En un instant, le pauvre lutin fut enfermé au fond d’un blockaus de terre.
ALAIN posa son livre sous sa tête et s’endormit. Au matin, il l’ouvrit et lut :
» Les taupes sont myopes, pour les combattre, il faut les éblouir « . ALAIN frotta, comme les hommes préhistoriques, deux silex qui traînaient au fond de la cellule…un éclair jaillit…Il s’enfuit….Il marcha un jour, deux jours, une semaine, traversa des landes, des rivières, des forêts, des jachères. Il arriva un soir dans un immense parc où des ânes à grosses têtes, assis dans des fauteuils de pierre rehaussés de coussins de vanité, en cravate et chemise blanche, lisaient assidûment des livres fort savants.
» Où allez-vous, monsieur le lutin ?
–Je vais au PAYS DES LEGENDES chercher la fée RADIEUSE pour guérir le CHARMANT SOM.
–Au PAYS DES LEGENDES ! ! !Croyez-vous que le pays de MELUSINE, Des TROIS PUCELLES, du DEMON FALOTTON puisse être foulé par n’importe quel individu, n’importe quel pillard qui réduirait en esclavage les plus belles des fées pour son propre intérêt ou pour celui d’un sorcier ? Pour être digne d’un tel honneur, il faut avoir au moins un diplôme d’ETAT…Montrez-nous vos diplômes !
–Ne nous énervons pas, dit le lutin ALAIN, je suis très fatigué, laissez-moi me reposer, demain, à mon réveil, je pourrai vous prouver que mes intentions sont pures. « …Et il se coucha, le livre des secrets sous la tête….Au premier chant du coq, le livre s’ouvrit de lui-même : » Secouez la tête d’un âne diplômé, les rares neurones de son cerveau, en se choquant, sonneront plus fort que des grelots. «
» Je suis, déclara ALAIN, un expert neurologue. Je n’ai pas, il est vrai, de diplôme sur moi…mais voyage-t-on avec ses diplômes ?…Pourtant, je peux vous prouver par une seule expérience l’étendue de mes connaissances. «
Les ânes se concertèrent un moment gravement, comme le jury d’un concours de l’ADMINISTRATION, puis, finalement, lui demandèrent de prouver sa sagesse.
» Je sais, dit le lutin ALAIN, que plus un être est cultivé, plus l’écho de ses connaissances se fait entendre quand il hoche la tête. Les ânes, aussitôt hochèrent leur docte chef…Il s’ensuivit un tel tintement de leurs rares neurones qu’ils crurent au miracle et s’écartèrent respectueusement.
ALAIN s’éclipsa pendant tout ce concert. Il marcha droit devant, un jour, deux jours, une semaine, traversa des landes, des rivières, des forêts, des jachères. Il se trouva un soir devant une immense rangée de guichets alignés. Des hyènes affairées y tenaient leur commerce.
« Où vas- tu, lutin ALAIN ?
–Je vais au PAYS DES LEGENDES, chercher la fée RADIEUSE pour guérir le CHARMANT SOM.
–Au PAYS DES LEGENDES ! Bougre d’idiot ! Ce pays est notre propriété ! Personne ne peut y accéder que nous, sinon, il faut payer. Es-tu prêt, pour un stage, à payer mille écus ?
–Permettez, dit ALAIN, il faut que je réfléchisse ! « …Et il s’endormit, la tête sur le livre.
Au matin, l’ouvrage était ouvert : » Les hyènes sont cupides et orgueilleuses, pour quelques compliments et quelques pièces d’or, tout leur paraît possible. «
ALAIN s’approcha d’un guichet ouvert : » Le GRAND SOM a promis, dit-il à la caissière, de donner à celui qui guérira son frère, tout l’or qu’il pourra emporter. Pour moi,les richesses me sont indifférentes. Si vous veniez toutes avec la fée RADIEUSE, vous recevriez un immense trésor dès que le CHARMANT SOM serait guéri. «
Les hyènes, sentant l’appât du gain, se saisirent de la fée RADIEUSE qu’elles tenaient prisonnière depuis des millénaires…. » Conduis-nous, dirent-elles au lutin ALAIN, le bien de nos semblables nous est toujours très cher. Nous irons toutes ensemble guérir le CHARMANT SOM….mais peux-tu nous promettre que le monde entier saura que nous sommes à ce point bienveillantes ?
–Je peux vous promettre que seront informés les gens que nous rencontrerons.
–Montre-nous le chemin ! «
Pendant qu’elles se rangeaient sur trois rangs, commandées par leur chève*, une blonde borgne avec bandeau sur l’œil, pour escorter l’esclave, ALAIN en profita pour ouvrir les cellules des autres fées détenues.
Ils marchèrent un jour, deux jours, une semaine, traversèrent des jachères, des forêts, des rivières, des landes.En passant, ils virent les ânes diplômés, qui, ne voulant pas laisser passer une occasion de manifester leur science, se mirent en cortège, en rythmant, de leur cerveau-grelot, une marche militaire.
Ils marchèrent un jour, deux jours, une semaine, traversèrent des jachères, des forêts, des rivières, des landes. Les taupes arrivèrent au son de ce tapage, et, au pas cadencé, suivirent la parade.
Ils marchèrent un jour, deux jours, une semaine, traversèrent des jachères, des forêts, des rivières, des landes. Les corbeaux aussitôt, entendant cette fête, se mirent sur deux rangs et marchèrent en tête, en chantant des cantiques .
Ils marchèrent un jour, deux jours, une semaine, traversèrent des jachères, des forêts, des rivières, des landes….Les poules, caquetant sur le bord de la mare asèchée, continuèrent leurs médisances.
Quand la troupe arriva au pied du CHARMANT SOM, la fée MELUSINE était déjà là , Délivrée, enfin des geôles millénaires bâties par ravisseurs initiés, LIBRE, et , avec elle, tous les preux chevaliers, les saints, martyrs et bienheureux.
« Relâchez la fée RADIEUSE et vous aurez votre or, dit-elle à la tribu des puantes nécrophages : les fées des légendes et aussi leur pays, appartiennent à tous ceux qui gardent le cœur pur. A ceux qui les aiment, à ceux qui les séduisent , les fées apporteront toujours leur amour. Elles leur confieront les secrets dont elles seules sont les dépositaires…N’en déplaise aux pédants de la terre.
Ainsi parla la fée. Le CHARMANT SOM, en un instant, se trouva verdoyant… et, l’automne étant arrivé, le GRAND SOM versa aux hyènes, pour les récompenser, autant de feuilles d’or qu’elles voulurent en ramasser.
C’est pourquoi, aujourd’hui, quiconque a le cœur pur et recherche les fées dans un amour sincère, peut accéder au PAYS DES LEGENDES, malgré les corbeaux, les taupes militaires, les ânes diplômés….en bravant les médisances et les calomnies des poules caquetantes, car les hyènes puantes, comprenant que leur coupable commerce était démasqué se sont mises en recherche de nouveaux projets…Aux dernières nouvelles, elles étaient sur MARS et éditaient des oracles basés sur
la TERROLOGIE
*Veuf….veuve relatif…relative chef….. ? ? ?