J’ai fermé ce matin ma soixante quinzième année. Depuis longtemps, je me sens un peu survivant, un peu coupable, presque: elle avait 52 ans quand ma mère nous a quittés… A soixante quatre, mon père l’a suivi…
Depuis ce temps, je sens que chaque jour est un cadeau…
Mais aujourd’hui, c’est à mon grand-père maternel que je pense. Celui qui, en 1919, fut l’auteur d’un poème qui ressort à chaque élection depuis:
« O toi, Grand’Mèche délaissée,
De Lans, tu n’es que la fille estropiée
Tes chemins ne sont qu’ornières,
Et tes routes de vraies fondrières… »
… celui qui commençait une lettre de réclamation à un artisan qui avait empoché une avance , mais ne réalisait pas le travail:
« Un vieux proverbe dit
Que trop de bonté nuit…. »
Me revient ce souvenir que je vous ai raconté le 20 mai dernier:
Souvenir…
Un jour, j’avais alors douze ans
Mon aïeul, père de maman
Me dit « j’ai déjà soixante quinze ans,
Trop tard pour faucher, maintenant,
Tiens, prends ma daille, elle est à toi
Bien enchaplée, c’est toi son roi »
Gonflé par la promotion
Je suis parti, gai comme pinson
Ne me suis pas mis dans la couvrée* *l’équipe de faucheurs
Fallait apprendre à »seyer… »** ** faucher
Quand ma faux, je décroche,
Je suis l’homme qu’il a consacré,
Prêt à abattre de proche en proche
Tout le foin de la contrée.
Fi des faucheuses, des tracteurs
Des botteleuses, des chargeurs.
Avec daille, fourche et râteau
J’ai vraiment tout ce qu’il faut!
De mes six petits-fils, je ne saurais pas à qui confier mon outil totalement dépassé, mais, de temps à autre, l’un ou l’autre s’essaie à faire rimer les mots et cela me fait rêver…