C’est moi qui sais !

Joshua a cinq ans. Sa maîtresse est absente. Le voilà donc chez papy et mamie pour deux ou trois jours.
Mamie attentionnée a acheté un jeu de lettres : mon premier scrabble, un jeu Disney.
Il s’agit de former, avec des lettres, des mots correspondant au dessin placé au début de la ligne…
Les lettres sont de quatre couleurs différentes.
Le jeu comporte l’ensemble des lettres de l’alphabet plus une série de voyelles.
Joshua regarde, la première ligne attend le mot souris Je me dis : « C’est pas gagné ! »…Je raisonne en effet en adulte.
« Qu’entends-tu au début ?…
Il me regarde, perplexe, il ne voit pas ce que je veux dire.
Pourtant, très vite, il a fini d’écrire son mot. Je suis surpris. Comment a-t-il fait ?
Il prend un autre fiche, un crayon est en bout de ligne. Je repose la question première…
« C’est moi qui sais ! » me dit-il d’un air excité, et je le vois tester une à une les lettres de la couleur indiquée jusqu’à ce que la bonne lettre s’emboîte.
Moi qui avais imaginé que le jeu était un jeu de lecture (ce qu’il devient par sous-produit) lui, l’utilisait comme un puzzle en trois dimensions.
En effet, ce qui n’apparaissait pas au premier abord, les lettres ont une forme telle qu’aucune erreur n’est possible.
Bien vu !

6 Réponses à “C’est moi qui sais !”

  1. tardlesoir dit :

    Je lis le début de votre article et me dis : tiens, c’est ce qu’il me faut pour les miennes (d’arrière-…., vous connaissez). Après, je pense, non, ce n’est pas une aide à la lecture. Puis finalement : le puzzle est un jeu d’observation….
    Mais, ne pensez-vous pas qu’au bout du bout on frôle la méthode globale?

  2. 010446g dit :

    Chut! c’est le mot à ne pas dire!
    On a d’ailleurs fait une montagne de ce qui ne concernait qu’une infime minorité…Et j’ai beaucoup soupçonné la campagne d’être plus *politique* que pédagogique.
    A ce sujet j’avais pondu un petit mot (ABC D’R 14/10/2012)
    Bien sûr qu’on frôle la lecture globale (le dessin n’étant pas toujours très explicite, il vaut mieux contrôler ce que l’enfant enregistre) mais c’est celle que, naturellement l’enfant engrange :il sait parfaitement décoder « Carrefour » ou « Leclerc » et un grand nombre d’autres mots, sans qu’on lui braque les yeux dessus. La décomposition ensuite ne sera pas moins nécessaire…
    Un édifice se construit-il en un jour?

  3. tardlesoir dit :

    Je prépare un texte sur une petite fille que j’ai eue en soutien scolaire car à 8 ans, elle ne savait pas lire du tout. Vous verrez que les composantes de cet échec scolaire sont nombreuses, que la méthode d’apprentissage n’y entre que pour une part.
    Autre cas de figure : j’ai fait de l’alphabétisation en milieu immigré (turc, indien, marocain) féminin adulte. Mes jeunes collègues préparaient des étiquettes « sucre » ou « farine » ou je ne sais quoi encore. Bon, les femmes, qui faisaient les courses avec leurs hommes qui, eux, savaient lire, voyaient où était le rayon sucre ou farine.
    Je n’avais aucun matériel. J’achetai un tableau de feutre, découpai des images dans le catalogue de la redoute, pour construire à partir de ce que j’affichais un discours que j’enregistrais, avec des silences pendant lesquels les femmes répétaient. Cela pour le langage. Pour la lecture et l’écriture, je fabriquai des voyelles en rouges, des consonnes en noir, et j’appliquai la bête méthode syllabique. Trois mois plus tard ces femmes pouvaient déchiffrer des phrases entières et même écrire sans faute des phrases sans diphtongues (ce ne fut pas une mince affaire que d’apprendre à écrire à des femmes qui n’avaient jamais manié que la pioche ou le rouleau à pâtisserie). Une jeune fille de seize ans, particulièrement intelligente, aurait pu intégrer un LEP. C’était sous Mitterrand (et sous Jospin? Je ne sais plus). L’année suivante, les crédits furent supprimés.

  4. 010446g dit :

    Il n’est de bonne méthode que celle qui réussit.
    Une méthode ne réussit que si la personne qui l’applique garde la tête froide et n’oublie pas de pallier à ses défauts.
    En ce sens, j’ai le plus grand respect pour M. LE BRIS: il a pratiqué, et changé de pratique (il n’est pas exclu que la réussite ne soit pas en réaction aux expériences vécues par les parents).
    Les prises de position de Brighelli,de N.Polony me sont par contre, totalement suspectes.
    J’ai même zappé le nom de la gamine qui est entrée à l’IUFM avec la volonté de ne rien apprendre d’autre que la tradition…(Boutonnet??) les écoles Normales traditionelles ne l’auraient jamais titularisée.
    Il y a une différence entre des leçons accueillies volontairement par des gens qui n’ont pas eu *la chance* d’aller à l’école, et une scolarisation vécue comme une corvée, voire une agression (« tu ne vas pas obéir à une femme » disait un père à son fils devant la porte de l’école)
    J’ai vu des primo-arrivants réfugiés avec le souci de se fondre dans la population parce que, me disaient-ils « nous ne sommes pas sûrs de ne pas être recherchés jusqu’ici ». Ceux-là répètaient mille fois les mots pour ne pas laisser d’accent trainer.
    La volonté d’apprendre est primordiale.
    (l’intelligence se mesure au menton disait Alain)

  5. tardlesoir dit :

    Vous avez tout à fait raison. Mais il y avait un autre élément, c’est que j’étais moi aussi très motivée par le défi à relever. Je fus consternée quand le programme s’arrêta. C’est par l’intermédiaire du GRETA que je faisais ce travail.

  6. 010446g dit :

    Il va sans dire que la meilleure méthode, appliquée sans foi, est vouée à l’échec.

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