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Archive pour janvier 2012

Les chars (2)

Samedi 21 janvier 2012

La guimbarde noire

Ah ! la guimbarde noire ! C’était celle que je préférais ! Elle était un peu plus large que les autres et parmi les plus longues. A l’avant comme à l’arrière, ses échelles arrondies se penchaient pour augmenter la dimension de la charge.

Certes, il était moins facile de monter des angles de foin bien carrés et bien arrimés, mais on ne risquait pas, si les vaches avançaient inopinément de tomber sur une lance et d’y rester accroché (supra 24 déc.). Elle fut celle qui reçut ma première charge de foin. J’avais huit ans et je n’étais pas peu fier d’avoir réussi à modeler une charge bien équilibrée… Je devais par la suite en faire plusieurs centaines.

N B:On appelait « guimbarde » le char à plancher plat.

Cauchemar

Samedi 21 janvier 2012

Je fais ce rêve bien souvent

Qui me tracasse énormément

Je me réveille, il fait jour

Je suis couché dans un lit

Dans un dortoir assez petit :

L’œil en a vite fait le tour.

Il n’y a là rien que des femmes

En robe de chambre pastel

Arrivées là, pour quel drame ?

Accident pour beaucoup mortel ?

L’une a un bébé

 Nouveau-né

Qu’elle allaite gentiment

Il me semble bien « qu’avant »

Je leur avais déjà parlé

Je cherche en vain dans la rangée

Sous le lit, bien remisée,

Ma valise où j’ai plié

Le pantalon à enfiler

Pour ne pas les effaroucher.

Le vide partout me tracasse

Je sens en moi monter l’angoisse

Je ne peux pas tout dénudé

Jeter les draps et me lever.

Je veux savoir en quel endroit

Je me trouve et pourquoi

Je suis seul, je ne devrais pas !

Et c’est le front tout en sueur

Que j’entends mon coq moqueur.

Les chars (1) :le char creux

Vendredi 20 janvier 2012
Il y avait quatre chars à la ferme.

Le plus ancien, dit « le char creux » servait en priorité pour l’herbe que l’on rentrait afin d’occuper les vaches pendant la traite.

Il avait une forme singulière : le fond était une grille de bois, en forme de V . L’arrière comportait une « échelle » sorte de suite de lances de bois pointées en forme de lyre, vers le ciel reliées à la base par deux traverses.

Les roues de bois à bandage étaient très vieilles et fissurées. A l’arrière, coulissant sur les queues du châssis, une barre de bois serrée par une vis à manivelle faisait office de frein (on appelait ça « la mécanique »)

L’essieu avant était pivotant, on pouvait à son gré y atteler un timon pour les vaches ou un « tirage » (brancard) pour le faire trainer par un cheval.

L’arrière grand oncle

Vendredi 20 janvier 2012
C’était un vieux

Toujours joyeux

Sous son chapeau de feutre noir

Se cachait un œil malicieux.

La vie lui en avait fait voir

Des moments tristes et malheureux

Mais dans la vie il faut savoir

Se relever et  devant voir.

Je l’ai entendu un jour,

Il avait bien soixante-dix ans

Raconter comme un bon tour

Ce qui était un accident .

Ses vaches l’avaient renversé

Riait encore de l’aventure, 

Elles l’avaient bien évité :

Entre les bêtes, entre les roues,

Il s’était pelotonné,

Et quand le char était passé

Il s’était relevé d’un coup

Pour revenir devant le joug

Et son chemin continuer.

L’avait perdu depuis longtemps

Sa femme et il croyait pouvoir

Se reposer finalement

Chez son gendre, un peu s’asseoir.

Mais le destin aveugle traître

En décida tout autrement

Son gendre mort redevint maître

De la ferme pour quelques temps.

Riait quand même doucement

Quand le dos ou les genoux

Lui rappelaient brutalement

Qu’il n’était plus un jeune loup.

Ne t’enfuis pas

Vendredi 20 janvier 2012

Ne t’enfuis pas, jolie donzelle

Je n’ai plus ce jour de carquois

Je voudrais juste, blanche gazelle

Caresser ton joli minois.

Te murmurer au creux d’oreille

Des propos doux d’admiration

Contre ton cou à peau vermeille

Par la chaleur de confusion

Poser mon menton et mes lèvres

Ma barbe qui donne frissons

Et dans tes cheveux avec fièvre

Glisser mes mains en dévotion.

Le jardin des orties

Jeudi 19 janvier 2012

Entre le jardin de ma mère et celui de mon grand-père, il y avait « le jardin des orties »

C’était un espace réservé à l’écoulement du trop plein du bassin où l’eau s’enterrait peu à peu, formant une mare que les canards appréciaient.

Le terrain couvert d’orties recevait la visite de ma grand-mère à l’époque où, malgré sa béquille, elle pouvait se déplacer. Elle y choisissait une jolie poignée d’orties qu’elle jetait dans la soupière. Sur le chemin, si par hasard elle nous voyait faire une sottise, une ortie venait s’égarer sur nos jambes.

Quand venait la saison des groseilles, mon grand-père donnait un coup de faux pour que l’on puisse accéder aux groseilles blanches de son jardin, beaucoup plus sucrées que les groseilles rouges du jardin de ma mère.

Au milieu de ce jardin, il avait greffé un pommier avec un écusson d’une variété plus productive que le pommier ancien de l’autre jardin.

Quand je regarde ce pommier qui fructifie encore, je revois mon grand-père tartiner l’extrémité coupée de son tronc avec du mastic à greffer.

Ma grand-mère maternelle

Jeudi 19 janvier 2012

Elle était la plus jeune d’une famille de quatre enfants. Son père, mon arrière grand père, que j’ai connu nonagénaire, avait tout misé sur son fils pour lui succéder à la ferme… Il était marié, installé dans la maison où je suis né, et il avait une fille… Hélas ! la guerre vint tout chambouler : il périt en 1914. Sa mère déjà percluse de rhumatismes, ne se consola jamais de cette perte et mourut peu de mois plus tard.

Sur les trois filles, l’une était institutrice, l’autre avait épousé un chef de gare et tenait une petite épicerie… Quant à la bru, elle referait sa vie, elle suivrait son nouveau mari… Seule la dernière qui avait épousé un agriculteur pouvait apporter les bras qui sauveraient sa ferme…

C’est ainsi que, par défaut, et au grand regret de l’arrière grand-père, ma grand mère avait été « obligée » de venir s’installer dans la ferme natale… Jamais elle ne pardonna tout à fait à son père de lui faire sentir qu’il aurait préféré son frère à sa place. Mais elle avait un caractère fort qui lui permettait de s’attacher à montrer qu’elle valait bien un homme.

Pour couronner le tout, une malformation congénitale de la hanche, empirée par les travaux très durs de la ferme, déboucha à cinquante ans sur une opération qui bloqua son fémur douze centimètres plus haut que son articulation et la condamna à vivre avec une béquille jusqu’à son dernier jour de validité. Plus elle était handicapée, plus elle houspillait ceux qui l’entouraient pour que le travail comme elle le concevait se réalise. Ne pouvant se lever seule, dès que le jour pointait à la fenêtre, elle nous appelait pour nous obliger à aller travailler… Quand on est enfant et qu’on a sommeil, on maudit ces partisans du « le monde est à ceux qui se lèvent tôt »

La maladie de Parkinson ajoutant à ses problèmes finit par la clouer au lit. Il fallait la nourrir à la cuillère, ce qui fut mon rôle plusieurs années de suite.

Rivalité professionnelle

Mercredi 18 janvier 2012

Quand son œil bleu papillotait

Jamais il ne ratait sa cible

En tous cas, elle le croyait :

Elle se pensait irrésistible.

Aurait voulu que chaque fois

Que je prendrais  décision

Je vienne me plier à sa loi

Quémander autorisation.

Ecoutez, me disait-elle

J’ai une grande expérience

J’avais vingt ans de moins qu’elle

Et me fiais à ma conscience.

Las de ses vaines remontrances

Qui en rien ne m’ébranlaient

Je lui déclarai en substance

Que si  passé elle connaissait

J’avais pour moi tout l’avenir

Ca ne lui fit pas trop plaisir !

La marmite noire

Mercredi 18 janvier 2012

Dans mon enfance, la cuisinière avait quatre trous bouchés par des ronds de fonte qu’on pouvait ôter afin de mettre le fond de l’ustensile en contact avec la flamme pour les cuissons vives, mais qu’on laissait pour mijoter. Le trou placé juste à l’arrière du foyer était occupé par une marmite de fonte que  nous ne laissions jamais manquer d’eau. Elle procurait à tout  moment l’eau chaude souhaitée. ..Car, dans ce temps-là, l’eau arrivait _ et c’était beau ! dans la cour, à la fontaine du bassin : pas de cumulus dans ce temps-là !

Au fur et à mesure du temps, cette marmite s’était couverte de tartre sur une épaisseur de plus d’un centimètre, et cela m’amusait, quand par hasard le niveau de l’eau était bas ,de gratter le tartre qui se détachait en larges plaques friables et poreuses que le vinaigre faisait « fuser ».

La lessive

Mercredi 18 janvier 2012
 

A l’angle du bassin se trouvait une planche large, à l’extrémité incurvée : la planche à laver.

C’était là que ma mère, quelle que soit la température venait frotter et savonner les pantalons crottés par les travaux de l’étable ou nos courses dans les chemins boueux.

Bien sûr que dans les périodes froides, elle avait d’abord fait tremper le linge dans du « lessif », mixture dont je n’ai jamais connu le secret… Avec le temps, et de déduction en déduction, j’ai fini par penser que ce n’était pas fortuit si les talus autour de la ferme étaient couverts de saponaire… Mais je ne suis vraiment pas sûr que ce soit pour la lessive. Je me rappelle aussi que plusieurs fois j’ai vu venir des gens qui prodiguaient leur savoir dans la fabrication de savon _ un savon noir qui moussait peu et que l’on conservait sur une haute étagère. 

Après avoir, sur la planche, ôté les taches du coton, on hissait la lessiveuse sur la grosse cuisinière pour faire bouillir le linge et le désinfecter…Car dans une ferme, les microbes étaient légion, et, venant des animaux, les parasites ne manquaient pas.

Au sortir de la lessiveuse qui embaumait d’une odeur caractéristique, il fallait rincer le linge sur la planche du bassin.

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