Quand le médecin du village débarquait à la maison, au volant de sa voiture de sport, on sentait son parfum à vingt mètres à la ronde. Il était maigre comme un coucou et fumait cigarette sur cigarette, toussait souvent … Son accent du midi ajoutait à son mystère.
Il venait pour nous, les enfants, lors de nos maladies infantiles. Il lui arrivait encore d’avoir recours à l’abcès de fixation pour combattre une infection.
C’était la mode des piqûres intra musculaires qu’il prescrivait souvent, peut-être parce que dans son esprit la douleur était rédemptrice comme on le disait à l’église, mais aussi, parce que, si la médication était désagréable, c’était la preuve qu’on vous soignait et cela ajoutait l’effet placebo à l’effet thérapeutique. De plus, mon père, infirmier militaire pouvait s’en charger. Avec trois malades à la maison, ses compétences trouvaient leur utilité.
Il venait pour ma mère à qui il prescrivait des gouttes de digitaline pour accélérer sa circulation sanguine, car, on l’a su beaucoup plus tard, elle souffrait d’un rétrécissement de la valve mitrale…Ce qui, bien entendu, augmentait la fatigue du cœur. Cette maladie, aujourd’hui, trouverait sa solution par l’implantation d’une valve artificielle… Dans ce temps-là, on n’osait pas encore ce genre d’intervention.
Il avait cessé de visiter ma grand-mère pour laquelle il se sentait démuni et avait passé le flambeau à un jeune médecin plus au courant des dernières découvertes dans le domaine de la paralysie agitante.
Il fut aussi appelé au chevet de mon grand-père lorsque celui-ci fit « une crise cardiaque ». Mais il fut bientôt évident qu’il se sentait plus à son aise à la mairie comme maire que dans son cabinet de médecin…Du moins, ce fut notre impression, ce qui fit que mes parents, ne voyant aucune amélioration dans la santé de ma mère finirent par demander les services d’un de ses confrères installé au chef-lieu du canton( plus loin) mais équipé d’un appareil de radioscopie et capable de pousser les investigations nécessaires à la découverte de la raison des troubles.