Acte IV
Plaidoyers
Avocat de la plaignante
Monsieur Le Président, Mesdames et Messieurs les jurés, vous venez d’être la cible d’une mystification. Par une habile pirouette, on vous dit : « le tourisme est bon pour les hommes, les hommes font partie de la Nature, donc le tourisme est bon pour la Nature. »Ceci est très subtil !
Hélas ! la réalité est beaucoup moins idéale.
Si l’homme fait bien partie de la nature, il est non moins évident que sa créativité n’a cessé de s’exercer au détriment de tous les autres éléments de Dame Nature, comme son ancêtre Caïn tuant son frère pour jouir seul de l’héritage de ses parents, l’homme ne se soucie jamais du mal qu’il peut causer en recherchant effrénément la satisfaction de ses pulsions. Certes, de temps à autre, il prend subliminalement conscience de la nocivité de ses actes, et alors, par un sursaut de raison, il crèe des interdits sur de petites portions de son action destructrice.
IL APPELLE CELA DES RESERVES. Sauvé ! pourriez-vous penser, MAIS, même dans ce cas, il ne peut résister à suivre ses pulsions…Vous avez noté, bien sûr, le désespoir de cette institutrice qui, ayant tenté de mettre un frein aux gestes matricides des futurs hommes constate que lorsque cette invention diabolique appelée argent est passée par là, plus rien ne reste de l’éducation.
TOURISME , Monsieur le président, messieurs et mesdames les jurés est le fils chéri de cette nouvelle idole.Il flatte tous les mauvais penchants : égoïsme, vanité, paresse, avarice, envie, luxure, addictions.
J’ai de l’argent, j’ai payé
Je me fous des rochers
Je tague mon empreinte
Et la falaise…PEINTE !
Mes bouteilles vidées
DANS LES GALETS LAISSES
Mes papiers, mes sacs
QU’ILS PARTENT AU RESSAC.
J’ai de l’argent, je peux payer
Il me faut habiter
DANS CE SITE SACRE
SUR CE HAUT PROMONTOIRE
QUE NATURE A CREE
POUR SOULIGNER MA GLOIRE
Mes sbires zélés
Sauront raser
La dune centenaire
Pour bientôt accueillir
Des milliers de plagiaires
Après que m’esbaudir
Dans les recoins secrets
Mes condoms souillés
Ne vais point, discret
Dans poubelle jeter.
Animaux dans la lande
Je veux m’en approcher
Et que nul ne prétende
Qu’il ne faut pas déranger
Pour que chacun me voit
Je fais pétarader
Que voulez-vous, pour MOI
Gêner c’est exister.
Ah ! mais pour circuler
Foin des petits sentiers
Ces arbres rasez-les !
Ces blocs arrachés !
Faon nouveau-né ?
Jouet pour mon terrier.
Et quand j’ai bien souillé
La terre de rejets polluants
Je me lance au ciel
Dans orgueilleux élan
Pour ravir au soleil
Un peu de sa clarté
Que viennent protester
Bouseux vachers
Ou ploucs bergers
Je suis là pour règner
Admirez ma prestance
Vous dites pestilence
Au mur les critiqueurs
Puisque moi je suis bien
Puisque c’est mon bonheur !
Ah ! oui, Monsieur le président, mesdames et messieurs les jurés, il est vraiment chantant l’hymne à l’inconscience ! SOURD MONSIEUR TOURISME aux minimales précautions pour que Dame Nature puisse reprendre souffle. Avec un grand cynisme il compte que des esclaves le suivant à la trace effaceront un peu de ses déprédations. Ses complices, otages eux aussi de leurs criminels penchants auront beau nous vanter les piètres avantages qu’il a sans le vouloir créés par sous-produits, vous ne pourrez pas faire différemment que déclarer coupable d’être commanditaire de vile tentative d’ assassinat le sieur TOURISME ici présent sur la personne de DAME NATURE
Plaidoyer de la défense
Avocat de la défense
Monsieur le Président, Mesdames et messieurs les jurés, nous sommes dans un quiproquo regrettable :
Mon client ne cherche nullement à attenter à la vie de Dame Nature, au contraire meilleure est la santé de cette dame, mieux se porte mon client. Les déprédations sur les monuments ou les sites , les abandons de détritus, mon client est le premier à les déplorer puisqu’ils risquent de rebuter sa clientèle.
Ce n’est pas mon client qui grave des inscriptions, parfois obcènes dans les rochers : ce sont des individus irrespectueux qui ne sont point cités !
Ce n’est pas mon client qui jette papiers gras, bouteilles, canettes et autres détritus, mégots etc…. Ce sont des personnes peu soigneuses, sales, mal éduquées qui ne sont pas dans le box des accusés.
Ce n’est pas mon client qui dérange les animaux dans la montagne : ce sont des gens curieux et ignorants que la société a mal préparés à étudier les richesses de la Nature.
Ce n’est pas mon client qui pollue les sources : ce sont des véhicules mal règlés et mal entretenus dont les propriétaires, OU SONT-ILS ?
Ce n’est pas mon client qui pollue l’atmosphère : ce sont les gaz d’échappement, ces gaz, qui les a fait comparaître ?
Ce n’est pas mon client qui rase les dunes et assèche les marais pour construire des bâtiments : ce sont les promoteurs et même des particuliers….encore une fois pourquoi ne sont-ils pas là ?
Ce n’est pas mon client qui incendie les forêts : ce sont les flammes.
Ce n’est pas mon client qui exhale des odeurs pestilentielles : ce sont des carburants(pourquoi sont-ils autorisés ?)
Mon confrère prétend que mon client alimente les pulsions les moins avouables, ce n’est pas cela du tout d’ailleurs, il lui arrive d’organiser des actions philantropiques, et je vous le rappelle DES PELERINAGES. Ce ne doit point être mis au compte de mon client que certaines des personnes qu’il accueille se comportent mal : ce sont ces personnes, adultes et responsables qu’on doit incriminer. Mon client amène dans des lieux qui seraient sans lui déserts ou presque des personnes capables de leur apporter l’animation. Des jaloux, ceux qui ne retirent aucun profit de cette nouvelle vie, des réactionnaires, ont voulu persuader Dame Nature que mon client cherchait à la détruire…. Il s’agit là d’une mauvaise action dont vous ne serez pas dupe. Lorsque vous délibèrerez, rappelez-vous les paroles de M. CRAUX :
« Tourisme non seulement vit avec dame Nature, mais il corrige ses défauts. Une Nature sans voies de communications resterait une Nature sauvage, sans l’empreinte indispensable de l’homme qui est sa plus belle réussite. »
Bien sûr que pour cela il faut parfois couper un arbre, élargir une route, créer des pistes de ski, construire des remontées mécaniques, mais on peut considèrer que cela vivifie la nature au lieu de la laisser dégénèrer sans la main de l’homme. Oui l’homme dans le tourisme comme dans d’autres activités utilise des véhicules à moteur, mon client ne peut en être tenu pour responsable.
Par contre, mon client au lieu d’être accusé devrait être remercié pour son action bénéfique : amélioration de l’hygiène, ouverture aux autres, maintien des jeunes au pays, stimulation du commerce……
Non, Monsieur le Président , mesdames et messieurs les jurés , Tourisme n’est pas le vil malfaiteur que certains prétendent.
C’EST UN ETRE INCOMPRIS QUI CHERCHE A APPORTER LE BONHEUR AUTOUR DE LUI.
L’ayant compris, vous ne pourrez que le relaxer !
(il s’assied)
Président
Monsieur Tourisme, avez-vous quelque chose à rajouter ?
Tourisme
Devant des accusations injustes, l’innocence se tait, Monsieur le Président