Tournage perturbé (suite)

La classe coopérative de Matrix a décidé de tourner un film avec l’aide d’un spécialiste : 

Guy Tabagnole 

. 

Le gymnase avait déjà déposé au cœur de la pellicule les péripéties d’un match de hand-ball 

Quand…. 

BOUM ! 

Toutes les vitres volèrent en éclats et la sonnerie d’alerte se mit à retentir. 

En quelques minutes, les élèves avaient évacué les locaux et se trouvaient regroupés sur le terrain voisin. Quelques uns avaient été égratignés par les éclats. 

La sirène des pompiers puis celle de la police retentirent. Une voiture piégée, garée près de l’école venait d’exploser. 

Si seuls quelques blessés légers étaient à déplorer, il n’en était pas de même pour les effets psychologiques… 

La police cerna le quartier, prit les adresses de tous les témoins éventuels et procéda à de multiples investigations. 

Guy Tabagnole, ulcéré, vit sa pellicule saisie pour examen minutieux par les services compétent s On interrogea les voisins et les commerçants de la rue. La radio, la télévision se répandirent en imprécations contre ces terroristes qui ne respectent rien et surtout pas les innocents. Monsieur le Premier Ministre lui-même se déplaça sur les lieux. On décréta autour de toutes les écoles du pays un secteur de sécurité dans lequel nul véhicule ne devait stationner. Les grands magasins furent sommés de fouiller les sacs de leurs clients. A l’entrée des lycées, les cartables étaient ouverts. L’armée, dans son ensemble, fut mobilisée pour la surveillance .On ne voyait plus un seul village sans son véhicule kaki « pour rassurer la population ».Une chape sombre s’abattait sur le pays. Malgré toutes ces mesures, Guy Tabagnole trouva un matin ses locaux saccagés. Apparemment, rien n’avait été volé, mais toutes ses pellicules avaient été incinérées au milieu de son garage. Des tags couvraient les murs. La police conclut à l’intrusion de jeunes camés qui avaient du se défouler dans ce genre de mise à sac. 

Au milieu du branle-bas permanent, cette péripétie ne mérita même pas un entrefilet dans la presse, tout entière consacrée aux coups de filets de la police, aux recherches effrénées de telle ou telle personne dont on publiait régulièrement les portraits robots(le retour des brigades rouges ?). Des juges se déplaçaient jusqu’en Irlande pour interroger des suspects.
La France entière était en état de choc.
 

Guy Tabagnole, venu au commissariat chercher des nouvelles de ses vandales fut placé en garde-à-vue. De victime de cambriolage il devenait suspect de complicité avec les plastiqueurs. Après quatre jours d’interrogatoires serrés au cours desquels on tenta vainement de lui faire avouer qu’il avait des contacts avec des milieux extrémistes( on peut s’attendre à tout d’intermittents du spectacle !)… après lui avoir fait répéter deux mille fois comment il en était arrivé à s’occuper de ce projet, après avoir confronté ses dires avec ceux des autorités de l’établissement, il fut enfin relâché .Ses efforts conjugués avec ceux de Matrix pour récupérer le film en cours de tournage se heurtèrent à des fins de non-recevoir. 

L’hystérie collective, cependant, était à son comble. A peine quelqu’un tenait-il un flacon de sirop contre la toux dans la main qu’il était arrêté pour vérification d’identité et pour analyser le liquide. On faisait gaillardement sauter le cartable que le gamin avait posé au bord du trottoir pour aller récupérer le ballon tombé dans le jardin du voisin. 

Un jour, enfin, après la découverte d’une demi-douzaine de colis qui auraient pu être des bombes puisqu’on trouvait après les avoir fait « sauter » des traces d’explosifs ,Monsieur Le Président de le République fit une déclaration à la télévision : 

« 
La France, déclara-t-il, traverse une période difficile .Nous sommes en guerre contre un ennemi aveugle et sans scrupules.  Placé devant les responsabilités qui sont les miennes, je décrète l’application de l’article 16 de
la Constitution. »
 

Dès ce jour, le couvre-feu fut établi dans toutes les agglomérations de plus de 2000 habitants. Matrix, ce soir-là, repensa au camescope de l’O.C.C.E. posé en catastrophe après l’explosion dans le tiroir , au moment ou il se saisissait du registre d’appel pour l’évacuation….Il se promit, dès le lendemain de  vérifier qu’il n’avait pas pris « des ailes ». 

Au soir du lendemain, il se dit que, peut-être, ce qu’il avait filmé ,pourrait , à défaut du film confisqué, servir pédagogiquement…Il visionna….décidément, il ne pourrait pas s’en servir sans renouveler le traumatisme des élèves…C’est alors que, confusément, il se sentit intrigué par une image. Huit fois, il revint en arrière sur un passage de quelques secondes. Dix fois il provoqua un arrêt sur image… et son visage devint livide. 

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