Tournage perturbé

 « Ouais ! on fait un film ! 

un film ! un film ! » 

La réunion de coopérative prenait les accents d’une manifestation, et les enfants, depuis que l’idée avait été lancée par l’un d’eux plébiscitaient bruyamment la proposition de réaliser un documentaire sur leur école pour leurs correspondants du Mali. 

« Un film, mes enfants, est une immense entreprise, très coûteuse et très difficile à mener à bien. Il faut étudier plus précisément le projet, trouver des conseillers, des sponsors, du matériel…On ne peut décider d’un tel sujet en cinq minutes. » 

L’enthousiasme, pour un instant était retombé, et André Matrix pensait avoir réussi à éviter une aventure qui lui faisait un peu peur. Réaliser un projet de ce genre le dépassait quelque peu et il regrettait presque d’avoir maintenu cette coopérative scolaire dont le mode de fonctionnement ramenait son pouvoir d’instituteur à une voix comme celle de chaque élève. 

« Mettons le projet à l’étude, chacun cherche de son côté, et, à la prochaine réunion, on décidera » déclara péremptoire le président de séance, Alain, un élève que rien ne pouvait émouvoir et à qui les autres avaient tout naturellement confié le rôle. 

Légèrement inquiet (on ne sait jamais !) Matrix avait retrouvé sa sérénité quand, au bout d’une semaine, il avait constaté que le film ne figurait pas à l’ordre du jour de la réunion suivante…Il aurait du se méfier : quand des jeunes habitués à gérer leurs projets ont une idée dans la tête…. 

Ce fut seulement à la troisième réunion que l’ordre du jour indiqua « film ». André Matrix était bien sûr qu’il s’agissait d’une cérémonie de funérailles, mais voilà…. 

Passons, maintenant au projet de film, déclara Alain, qui a quelque chose à proposer ? » 

André Matrix médusé vit une vingtaine de mains se lever. Le secrétaire imperturbable, nota l’ordre d’intervention pour chacun. 

A la fin de la réunion, l’un avait trouvé l’appui matériel d’une marque de pellicules, l’autre avait obtenu d’un conseiller municipal, son voisin, une promesse d’aide, un troisième avait rencontré un cinéaste amateur éclairé : Guy Tabagnole, lauréat d’un prix de court-métrages….Tous les obstacles semblaient levés pour les enfants… Pour Matrix, restait le projet à constituer en dossier pour une hiérarchie tâtillonne, peureuse, jalouse de ses prérogatives et qui ne manquait jamais de lui rappeler que si les enfants n’étaient pas soumis à la voie hiérarchique puisque constitués en association_ loi 1901 oblige_ lui-même, responsable adulte devait rendre compte…. 

Pour une fois, le projet ne rencontra pas trop de difficultés : Guy Tabagnole avait des relations au ministère, ce qui rapidement fit couper court aux découpes de cheveux en mille des petits chefs de l’inspection…On promit même au projet une aide financière substantielle … Ce que voyant, l’O.C.C.E. (office central de coopération à l’école) départemental mit à disposition un camescope  supplémentaire…. 

Le tournage pouvait commencer. 

Ce mardi 12 novembre, tout le monde était sur pied de guerre 

.L’établissement récuré par les techniciens de surface, aidés pour la circonstance par les jeunes producteurs reluisait : pas une tache, pas un tag, plus un grain de poussière derrière les estrades ! 

La voiture de Guy Tabagnole déversa un chargement de projecteurs fixes et mobiles, de caméras…. 

Le cinéaste présenta le matériel aux enfants, dont l’excitation n’avait d’égale que l’angoisse. Il expliqua le minimum indispensable pour les prises de vues, expliqua ce que serait le travail ensuite… 

Après une visite des différents lieux susceptibles d’intéresser les correspondants maliens, le tournage pouvait commencer. Chacun se mit en condition d’effectuer ce qui était prévu. A tour de rôle, les jeunes venaient diriger une caméra que Guy Tabagnole surveillait de près. 

Matrix, intéressé utilisait le camescope de l’O.C.C.E. pour préparer une projection lors du congrès départemental des jeunes coopérateurs. 

Son objectif se promenant tantôt sur les locaux, tantôt sur les élèves enregistrait discrètement les signes de joie ou d’inquiétude et s’égarait parfois, à travers les vitres sur la rue voisine. 

Le gymnase avait déjà déposé au cœur de la pellicule les péripéties d’un match de hand-ball 

Quand….

SUITE PLUS TARD 

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