foire

 

 

Le lever des corbeaux les trouvait en chemin

Déjà bien engagés dans les gorges d’Engins

Ils marchaient d’un pas lourd qui défie le destin

Ils allaient « tout ensein » en foire à GONCELIN

Ils avaient, dans leur sac, un fromage de chèvre

Dont le seul contact vous réjouit les lèvres,

Un morceau de pain gris, déjà un peu rassis,

Et un morceau de lard que leur femme avait mis.

Et puis sur le côté, un bidon de piquette :

Dans le chaud de l’été ça met le cœur en fête.

Ils entraînaient chacun au bout d’un petit lien

Une « bauille*» bien grasse mordillée par un chien       * génisse

Deux vaches au joug liées avec un tombereau

Où dormaient dans la paille un ou deux petits veaux,

Un taureau, l’œil furieux, mais doux comme un agneau

Tous des Villard de Lans, mon Dieu qu’ils étaient beaux !

Au creux de Sassenage, ils se plantaient un peu

Laissaient là le voyage pour explorer les cieux

Où le soleil levant qui dorait la montagne

Les remettait en route comme dard qui arragne*.         *irrite

D’autres les rejoignaient, venant de Noyarey

De Montaud, ils venaient en passant par Veurey

On entendait parler tout le long du chemin

Les patois en vigueur dans tous les patelins.

Ils marchaient à grands pas sous le soleil naissant

Le dos un peu courbé et le front ruisselant

La fatigue aidant, ils étaient peu causants

Et marchaient dans la plaine bien douloureusement.

Enfin, ils arrivaient devant le grand foirail

Ils recherchaient des yeux une place qui aille

Afin que leurs bovins se trouvent avantagés

Par quelque trompe-l’œil ici ou là placé.

Et ainsi en négoce se passait la journée

A vendre, échanger, marchander, finauder.

Et puis venait le soir, il fallait retourner.

On s’ébrouait un peu, les achats rassemblés

Et puis les jambes lourdes et le cœur serré

On quittait lentement la place du marché…

Et marcher il fallait et il fallait encore

Marcher toute la nuit, arriver à l’aurore

Et la tête remplie de la fête de vente

Reprendre le travail en fauchant dans les pentes

Avant, le soir venu, de trouver l’oreiller.

Et pendant des semaines dans le cours des veillées

On se racontera des histoires entendues

Les bêtes convoitées et les bêtes vendues

Le charlatan dressé et son long boniment

La fête à écouter pouvait durer un an !

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