Je suis né près d’une étable
Où vaches , chèvres et volailles
Certes ne mangeaient pas à table
Mais étaient de nos ouailles.
Quand les veillées de mon enfance
Contaient canons, captivité
Blessures, tortures, atrocités
Et les misères faites à France
Je retrouvais avec un veau,
Chienne aimante ou un chevreau
Sublime douceur tactile
Et ferment de rêves futiles.
Faire travail était conquête :
Premier jet de lait tiré
C’était alors une vraie fête
…Et début futur de journée .
Gardant les vaches avec le chien
Je m’inventais cent mille histoires
Que les nuages olympiens
Faisaient inscrire en ma mémoire.
Sur les huit ans c’est triomphant
Que sur la guimbarde j’ai grimpé
Pour façonner soigneusement
Charge de foin droite et carrée.
Douze ans, première faux
Tout était prêt pour je sois
Vrai paysan …Hélas défaut !
La terre c’est bien, mais bien étroit
Des curés jusqu’aux politiques
Tous se mirent à chanter
« Pour servir
la République
Il faut partir, en ville, aller. »
Roulez tracteurs, et en sourdine
Neuf sur dix de ces manants
Qui font besoin dans les usines
Faites les fuir vitement !
Heureusement que ma maîtresse
Celle qui n’écoutait pas les parents
Nous fit défier la détresse
Et briguer place dans les rangs :
A l’école de
la République
Il faut des maîtres allez va-t-en !
C’est ainsi messieurs mesdames
Que pendant près de quarante ans
Je devins, paysan dans l’âme,
Eleveur d’enfants charmants
Ah ! mais non ce ne sont ânes
Car ils ont puisé dans la manne
De la lumière du savoir
De quoi nous rendre tous espoir.