Je vous parle d’un temps que les non retraités ne peuvent pas connaître.
C’était le temps de la majorité à vingt-et-un ans…et encore…. Pour le divertissement et l’éducation de ces jeunes qui travaillaient dur depuis l’âge de 14 ans officiellement, mais beaucoup plus tôt en réalité …. (pas de délinquance juvénile!!!)… s’étaient créés des foyers ruraux, des maisons de jeunes et d’éducation populaire, des maisons des jeunes et de la culture…
En débarquant dans mon premier poste, j’eus rapidement la visite de jeunes du village désireux de créer une structure pour animer le village… Pour être honnête, je dois dire que le dynamique curé du village avait bien fait son travail: apprendre aux enfants qu’il encadrait à se « débrouiller » sans prendre sur eux un d’ascendant tel que leur liberté soit entravée… C’était le temps du bon pape JEAN…
Avec eux, nous avons étudié les diverses possibilités… Et la formule »maison des jeunes et de la culture » nous apparut comme la plus formatrice: elle laissait au « conseil de maison » une grande liberté d’initiative pour gérer, créer toutes les activités. Les plus jeunes, dès 16 ans pouvaient en faire partie _ n’oublions pas qu’ils étaient déjà de vrais ouvriers_ Dans nos balbutiements, il y eut bien sûr quelques erreurs… qui permirent peu à peu de rôder des activités régulières… par partage des compétences IVAN ILLITCH n’aurait pas désapprouvé!
C’est pour cela que lorsque je me suis trouvé dans un poste définitif dans une commune qui venait de construire une « salle des fêtes » (dans l’esprit des aînés qui faisaient ainsi ce qui leur avait manqué) avec des subventions au titre d’une « maison des jeunes »(c’était ce qui procurait le plus de subventions) j’ai activement milité pour créer une MJC dans laquelle, c’était avant toutes les régles castratrices des années 80, le partage était la règle.
Beaucoup de jeunes, en cachette écrivent des poèmes. Il ne fallait pas trop de persuasion pour les convaincre de venir les partager au cours d’une soirée conviviale dans un décor à imaginer: la cuche aux poèmes (tas de foin) la fontaine poèmes au vent….Les poèmes sortis étaient lus par leur auteur ou par celui qu’il désignait… AUCUNE CRITIQUE NE VENAIT TERNIR LES ENTHOUSIASMES….On était loin du passage obligé par « l’atelier d’écriture » sous la férule d’un « coach »…. Les poèmes vivaient au grand jour, Je crains, comme je n’en vois plus guère que ceux d’aujourd’hui ne naissent dans les sous-sols délabrés avant de sortir violemment vengeurs ….Les vieux combattants d’HERNANI, les corsetés de la virgule auront beau faire , les jeunes écriront
Mes petits albatros, on vous coupe les ailes
Autour de votre bec, un lacet en bâillon
Une bague « high tec » sur la patte moignon
Tatouage sur l’os et geôle grand modèle,
On veut vous enfumer des gaz de l’achéron.
La férule brandie du maître mort-vivant
Voudrait vous imposer le réflexe tremblant
A ses pieds cliquetants, de la prosternation.
Fumeur de parchemin, son haleine fétide
Embrume vos destins comme la pluie acide,
Mais les plumes lissées de votre dos solide
Ne laissent pas passer le vil crachat putride.
Ah! Vous n’aimez pas les ateliers d’écriture, et bien moi non plus. On me sollicite pour participer, je résiste…. Je ne l’ai fait qu’une fois, avec l’artiste dont je vous avais envoyé le « press-book » comme on dit, parce qu’avec elle, on s’amusait à des exercices genre Oulipo et on riait beaucoup…
Il y avait parfois des gens qui venaient me dire que j’encourageais la médiocrité…
C’est possible!
J’espérais permettre de défouler en paroles ce qui fut un peu plus tard défoulé en actes (écoles de Vénissieux)