Mon salon, à moi, de l’agriculture (9) rayon technique

                         LA DAILLE

 

J’ai saisi dans ma main la poignée de la faux
J’ai battu cette garce à grands coups de marteau.
Le manche bien serré dans la virole à coin
Je suis parti joyeux pour abattre du foin
De ma meule barbue, j’ai caressé ses flancs
Et du bout de mon doigt j’ai tâté son mordant.
Un coup pour le curé, à demi fascisant
Qui prétendait donner ses avis de savant
Et un pour celle, qui dans la noire école
Distribuait gaiement des copies, des colles,
Le verbe bavarder ou le verbe rêver
Dans l’ennui général par son verbe créé.
Un pour le salopard qui s’est toujours moqué
Puisse-t-il étendu ne pas se relever.
Un pour la pucelle aux grands yeux de vipère
Qui fascinait mon cœur et qui le désespère…
Un coup sur le téton, un coup sur le derrière
Et ses grands cheveux d’or, les voilà sur la terre
Un coup pour l’épervier qui l’a ensorcelée
Son bec à bécoter, le voilà décollé
Un autre sur une aile et un coup sur la queue
Qu’elle tombe en lambeaux et puis qu’elle prenne feu
Parmi les vertes bûches dans le champ étalées
Il en est des salauds que je vois gigoter !
Tiens ! donc ! bonjour MONSIEUR qu’on dit mon SUPERIEUR
Je vous vois arriver du fond de ma torpeur
Votre visage hideux se tord comme un serpent
Et je frappe à souhait sur le bout de vos dents
Ce n’est jamais assez disiez-vous tout le temps
Ce n’est jamais assez vous couper en chantant
C’est vous HACHER menu qui serait exaltant
Et sur votre pensée je reviens m’acharner
Et tiens ! Et tiens ! Et tiens ! En voilà pour longtemps !
Ah ! j’ai fini l’endain ! Revenons en arrière
Afin de déverser le fond de ma misère
De frapper en secret chacun des tortionnaires.
Ah ! Mais vous voilà donc ! cher MONSIEUR LE MAIRE
Un coup pour vos tranchées dans la forêt sacrée
Un pour l’arbre abattu, un pour les saccagés
Un pour les avenues, inutiles saignées
Que vous avez creusées dans les flancs ravinés
Un pour la tronçonneuse, un pour le bulldozer
Un pour les voitures et un pour le désert

Tiens, le foin est coupé, cela n’a pas traîné
Ne venez pas me dire, vous qui le constatez
Que j’ai fauché trop vite, que je vais m’épuiser
J’éprouve tant de hargne qu’il me faut déchaîner
Que je faucherais bien tout le foin de l’été .
Ma faux, ma douce faux, que tu sois exaltée
Tu me donnes la joie de détruire en pensée
Des gredins que les lois de notre société
Exigent que, courbés, on aille vénérer 

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